L’après-carrière sportive des athlètes et professionnels de la filière est le “Cap Horn” de leur vie : une telle reconversion se prépare, s’aborde en toute humilité et comme une tempête, peut laisser des traces.
Le sportif doit impérativement se réinventer lorsqu’il pose ses crampons : passer d’une intention et d’un projet où c’est bel et bien le corps qui est aux commandes, à une vie entière où l’équilibre intellectuel et sensoriel est recentré. C’est une véritable révolution comportementale qui peut entrainer de graves perturbations.
D’autant que les athlètes sont de plus en plus usés en fin de carrière, certains traversent même de véritables tsunami émotionnels et subissent de plein fouet la pression de leur quotidien. Au jour le jour le résultat, la répétition des impacts physiques et mentaux et l’influence d’un entourage qui les pousse à l’effort permanent, affecte ses personnalités plus ou moins aptes à tenir la distance.
Le footballeur Adil Rami a lâché à ce sujet le mot tabou quelques mois après son titre de champion du monde : “Après la Coupe du monde, j’ai eu un burn out. J’en ai parlé, j’ai eu au téléphone un coach mental pour essayer de comprendre“, a-t-il confié à Canal+ en 2019. Avant d’expliquer son état avec cette description : “Même l’odeur de la pelouse, je ne la sentais plus. Je n’avais même plus envie de ‘taper’ les attaquants. Parfois j’ai même été agressif avec des gens qui me demandaient des photos, qui me filmaient sans me demander. J’étais aigri, même avec mon entourage, chose que je déteste montrer.“
De nombreux exemples de sportives et sportifs illustrent cette usure psychique, cette lassitude face à la répétition des efforts et des enjeux : les langues se délient et les aides émergent de plus en plus grâce aux psychologues du sport et aux staffs qui intègrent désormais pleinement la préparation mentale dans leurs clubs.
Retraite anticipée : le mal est profond
Cet état d’usure prématurée entraine – et ça c’est nouveau – une autre tendance ces derniers mois avec la décision irrévocable de prendre sa retraite sportive bien avant que l’horloge corporelle ne sonne. L’exemple très récent de la championne australienne de tennis Ashleigh Barty, qui vient de dire stop à sa carrière sur le circuit pro à seulement 25 ans, a marqué les esprits.
Fort heureusement les sportifs sont encadrés également par les syndicats, à l’image des footballeurs (UNFP) et des rugbymen (Provale) : au-delà le soutien psychologique et l’accompagnement durant toute leur carrière, c’est un travail d’éveil intellectuel qui est proposé. Les services de formation des syndicats sportifs proposent pléthore de contenus pédagogiques et de parcours certifiants ou diplômants, en signant des partenariats avec les campus et écoles français.
Ce plan de formation est suivi par de nombreuses personnalités du monde sportif professionnel, les transformants en futurs actifs dans des filières variées : immobilier, commerciaux, assureurs.
L’enjeu de la reconversion est global :
- financièrement il leur faut assumer un niveau de vie souvent élevé et subvenir à leurs besoins familiaux en quittant le cocon des salaires que les clubs leur proposaient durant leur carrière.
- Au niveau professionnel, il s’agit de trouver un job, ou de créer leur entreprise : une tendance lourde ces dernières années, avec des profils de “serial entrepreneurs”, qui lancent ou investissent dans des PME ou dans des startups – comme le propose le Factory Club et La Draft.
- Au niveau personnel : sortir d’une certaine précarité intellectuelle et éviter l’effondrement du champ des repères sociaux, d’un réseau relationnel qui peut passer de la célébrité, même relative, au vide.
Ce rebond, cette renaissance, cette résilience s’anticipent ! Dès le centre de formation les jeunes sportifs doivent rester connectés au monde qui les entoure, être sensibilisés aux perspectives qui se présenteront à eux à la fin de leur parcours d’athlètes, et se préparer en constituant un double projet.
Devenir entrepreneur, intégrer une filière professionnel, trouver un emploi, un métier : voilà le challenge de chacune et chacun, et il s’avère aussi complexe que celui de réussir à performer par l’effort physique.
“Le corps d’un athlète et l’âme d’un sage, voilà ce qu’il faut pour être heureux (…) » Voltaire, le philosophe des Lumières.